Le chef de la junte arrivée au pouvoir par un coup d'Etat en mai en Thaïlande a été désigné Premier ministre jeudi, nouvelle étape du verrouillage du système politique.
Au total, 191 membres d'une assemblée non élue ont voté en faveur du général Prayut Chan-O-Cha, unique prétendant au poste, contre seulement trois abstentions, lors d'un rapide vote diffusé à la télévision.
"Nous avons besoin d'un meneur qui puisse aider le pays à traverser la crise. Nous devons mettre de côté tous les conflits et faire avancer le pays", s'est félicité Tuang Untachai, membre de cette assemblée dominée par les militaires.
Ceux-ci ont fortement réduit les libertés civiques depuis leur renversement du dernier gouvernement civil élu, le 22 mai, suscitant les critiques de la communauté internationale.
Cette élection de l'homme fort de la junte -qui était en déplacement pour une cérémonie militaire dans la région de Bangkok jeudi- doit être rapidement soumise à l'approbation du roi de Thaïlande, Bhumibol, âgé de 86 ans, qui n'apparaît quasiment plus jamais en public.
"Il a pris tous les pouvoirs", a commenté Gothom Arya, de l'université Mahidol. Selon Michael Montesano, de l'Institut des études d'Asie du sud-est de Singapour, il s'agit ainsi de "pouvoir gouverner directement, sans s'encombrer d'un Premier ministre marionnette".
Avec comme but de "figer la Thaïlande dans un passé fantasmé", une mission "irréaliste en 2014", même si pour l'heure les militaires semblent tenir le pays, estime l'analyste.
"Comment devons-nous appeler Prayut maintenant? Chef de la junte, chef de l'armée de terre et Premier ministre non élu", a ironisé sur Twitter Pravit Rojanaphruk, journaliste qui fait partie des centaines de personnalités à avoir été convoquées par la junte après le coup d'Etat.
- Scène politique vidée -
Depuis le 22 mai, les hommes politiques ont disparu du paysage médiatique, et les voix critiques sont muselées.
Le Haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme s'est dit cette semaine "vivement inquiet" de la situation en Thaïlande, face notamment à la recrudescence des poursuites pour lèse-majesté, punies de plusieurs années de prison.
A 60 ans, le général Prayut, qui s'adresse à la Nation lors d'une grand-messe télévisée hebdomadaire baptisée "Rendre le bonheur au peuple", ne faisait pas mystère depuis des semaines de ses ambitions.
En troquant son habituel uniforme kaki pour un costume cravate, il avait donné l'impression dès lundi d'endosser les habits de Premier ministre lors de sa présentation du budget 2015 devant cette même Assemblée nationale.
Homme à poigne, Prayut n'avait pas hésité ces dernières années à se mêler de politique, justifiant ses interventions par la défense de la Nation et de la monarchie.
Ce passage au poste de Premier ministre intervient à un moment clef, alors que Prayut devait prendre sa retraite de chef de l'armée de terre en septembre 2014.
- Junte maintenue -
Les militaires ont prévenu que la junte serait maintenue en parallèle au gouvernement, alors que toute élection est repoussée à octobre 2015 au mieux.
L'armée a expliqué avoir pris le pouvoir pour mettre un terme à sept mois de manifestations meurtrières contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra, soeur de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra.
Mais certains accusent la junte d'avoir utilisé cette situation comme prétexte pour se débarrasser de l'influence de Thaksin, renversé par le précédent putsch en 2006 et qui reste malgré son exil la figure de division du royaume. Il est considéré par les élites traditionnelles, dont l'armée, comme une menace à la royauté, selon les experts.
Reste à savoir si la junte respectera le calendrier annoncé d'élections fin 2015, avec aux manettes d'ici là un gouvernement intérimaire dirigé par le général Prayut.
Selon certains, les militaires sont partis pour rester plusieurs années au pouvoir, et non pas assurer une simple transition comme lors du dernier coup d'Etat de 2006.
"Résoudre les problèmes en Thaïlande demande au moins dix ans, pas seulement un, deux ou trois ans", préconise ainsi le général Ekachai Srivilas, cité jeudi dans le journal The Nation.
"Les généraux ne prévoient clairement pas de restaurer la démocratie. La Constitution intérimaire leur donne une justification légale à leur pouvoir", a réagi Sunai Phasuk, de l'ONG Human Rights Watch.
https://fr.news.yahoo.com/tha%C3%AFlande-chef-junte-transform%C3%A9-premier-ministre-070731375.html
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