Au moment où les plus hauts dirigeants chinois se réunissaient à Pékin, le militant politique He Depu était obligé de quitter la capitale sous escorte policière, pour des "vacances" tous frais payés dans l'île tropicale de Hainan.
M. He fait partie des dizaines de dissidents qui, selon des organisations de défense des droits de l'Homme, ont été récemment éloignés de force du centre du pouvoir pour des "voyages", parfois dans des lieux touristiques, des hôtels balnéaires et de luxueux restaurants.
Cette méthode originale, consistant à mettre au vert les dissidents pour les faire taire, est devenue à ce point routinière pour les militants les plus connus qu'ils ont forgé un néologisme: "Etre voyagé".
Bien que He Depu, 57 ans, ne soit accusé d'aucun crime ou délit, il a été contraint il y a quatre mois de prendre l'avion pour Hainan, à 2.300 km de Pékin, et d'y rester pendant une dizaine de jours -- pendant la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire, le parlement chinois.
Accompagné de sa femme et d'un autre dissident, sous la garde étroite de deux policiers, il a été "invité" à profiter des plages de sable fin de cette île du sud de la Chine, et à admirer une statue géante de Bouddha.
"Ils n'ont pas lésiné sur les dépenses; le gouvernement local a payé pour absolument tout", a indiqué M. He.
- Plages, soleil et escorte policière -
Sept autres militants interrogés par l'AFP ont confirmé avoir "été voyagés" au cours des dernières années.
"A chaque événement politique important, on m'emmenait "en vacances"", raconte Mme Xu Xiangyu, qui mène depuis longtemps un combat emblématique contre des responsables ayant illégalement imposé la démolition de sa maison.
En 2011, des policiers l'ont accompagnée, ainsi que sa famille, pour un voyage à Hainan. Ironie de l'histoire, cette province insulaire aujourd'hui réputée pour ses stations balnéaires et sa végétation luxuriante, était à l'époque impériale un lieu d'exil pour criminels, fonctionnaires disgraciés et poètes renégats.
Mme Xu fait défiler des clichés où on la voit poser dans un parc de bord de mer, ou encore, entourée de ses chaperons, devant les reliefs d'un dîner gargantuesque.
"L'hôtel était luxueux, la nourriture excellente, et ils payaient absolument tout, déboursant parfois plus de 1.000 yuans (120 euros) pour un seul repas", se souvient-elle.
Les agents gouvernementaux "se font aussi plaisir", souligne de son côté Wu Lihong, un militant environnemental conduit en mars pour deux semaines dans l'ancienne capitale impériale de Xi'an.
"Il faut avoir un certain grade (dans la police) pour encadrer ce type de voyage. Alors qu'ils ont l'habitude d'être enchaînés à leurs bureaux, le nez sur l'ordinateur, cela leur donne l'occasion de voir du pays et de se régaler", observe-t-il.
- 'Prison mobile' -
Tous les critiques du régime ne sont pas logés à la même enseigne; beaucoup de "pétitionnaires" --ces citoyens qui dénoncent les abus des autorités locales-- finissent dans des "prisons clandestines", où ils risquent d'être battus.
"Les "voyages" sont réservés aux activistes plutôt connus" et dont les combats suscitent un certain écho, explique Maya Wang, de l'ONG Human Rights Watch. "Ces voyages n'en constituent pas moins une privation de liberté, en toute illégalité", insiste-t-elle.
Alors que les dépenses chinoises dévolues au "maintien de la stabilité sociale" dépassent le budget militaire de Pékin, la répression des voix dissidentes s'est encore intensifiée depuis la prise de fonctions du président Xi Jinping au printemps 2013.
Le ministère de la Sécurité publique n'a pas souhaité répondre aux questions de l'AFP.
Selon l'ONG Human Rights in China, basée aux Etats-Unis, pas moins de 15 personnes ont été emmenées en "vacances forcées" hors de Pékin peu avant le 25e anniversaire, début juin, de la répression du mouvement étudiant de la place Tiananmen.
"On ne vous laisse pas vraiment le choix. Dans de telles conditions, vous n'êtes évidemment pas d'humeur à apprécier les sites touristiques", soupire Yan Zhengxue, un peintre très critique du gouvernement, récemment conduit dans des dunes désertiques du nord-ouest de la Chine.
Wang Rongwen, une pétitionnaire sichuanaise de longue date, a été emmenée en "vacances" début juin, pour la troisième fois, dans le parc du majestueux Mont Tiantai (est). Mais elle n'a pas apprécié l'expérience: ""Etre voyagé", ce n'est finalement guère mieux qu'une prison mobile".
https://fr.news.yahoo.com/chine-offre-vacances-dor%C3%A9es-%C3%A0-dissidents-075359170.html
Tidak ada komentar:
Posting Komentar